Bien préparer sa location en meublé de tourisme (Partie 2)

II.Vous souhaitez louer une résidence secondaire

Faire de sa résidence secondaire un meublé de tourisme implique une démarche plus longue qui se complexifie davantage  dans les grandes villes françaises. Quoi qu’il en soit ces mesures sont obligatoires dès lors qu’il ne s’agit pas de la résidence principale du propriétaire.

1. La déclaration en mairie

Dans le cas où vous êtres propriétaire d’une résidence secondaire que vous souhaitez louer en tant que meublé de tourisme, il vous revient de déclarer ce logement auprès de la mairie dans lequel il se situe, qu’il soit classé ou non[1]. Cette déclaration s’effectue grâce au formulaire cerfa n°14004*02 mais elle peut aussi se faire directement en ligne sur le portail du service public. Dans le cadre de cette déclaration, le loueur doit notamment indiquer son identité et son adresse, l’adresse du meublé de tourisme, le nombre de pièces et de lits du meublé ainsi que les périodes pendant lesquelles le loueur compte mettre son bien à disposition des touristes[2]. Si le loueur souhaite, par la suite, modifier certains éléments d’information contenus dans la déclaration, il devra alors effectuer une nouvelle déclaration en mairie. Le fait d’omettre la déclaration de votre logement en mairie alors que vous en avez l’obligation est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 450 euros[3].

La nouvelle procédure d’enregistrement rendue pleinement effective par le décret du 28 avril 2017 vient modifier également ce point. En effet, dans les communes qui souhaitent l’instaurer, cette nouvelle procédure aura pour conséquence de remplacer la déclaration classique qui jusqu’ici avait lieu d’être. Cependant, dans les communes ne souhaitant pas mettre en place ce dispositif, la déclaration classique restera en vigueur.

2. Autorisation en mairie

Dans certains départements et communes, la démarche pour mettre son bien à disposition des touristes est plus longue.  En effet, après la déclaration, il vous faudra obtenir une autorisation de la mairie qui vous permettra de modifier l’usage de votre logement en meublé de tourisme[4]. Cette demande d’autorisation est obligatoire dans les départements de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ainsi que dans les villes de plus de 200 000 habitants (Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Lille, Rennes)[5]. Cette demande d’autorisation peut également se voir appliquer dans les « communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant »[6] (un décret du 10 mai 2013 est venue fixer la liste de ces villes[7]). Il revient au maire de la commune dans laquelle se situe le logement en question de fournir au demandeur cette autorisation préalable au changement d’usage.  Pour les villes de Paris, Lyon et Marseille, l’avis du maire d’arrondissement concerné est également demandé avant de prendre la décision finale[8].

Le propriétaire qui mettrait son logement en location sans avoir obtenu au préalable son autorisation de changement d’usage (dans le cas où celle-ci serait obligatoire) s’expose à une amende civile pouvant aller jusqu’à 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. Une astreinte d’un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré peut également être prononcée à l’encontre du contrevenant dans le cas où il ne régulariserait pas la situation de son local dans le délai qu’il lui a été fixé précédemment par le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble [9]. Des sanctions pénales sont également prévues en cas de fausses déclarations, de dissimilation ou de tentative de dissimulation de locaux normalement soumis à déclaration. Une peine d’emprisonnement d’un an et/ou une amende de 80 000 euros peuvent être prononcées[10].

La  ville  de Paris s’est particulièrement engagée dans la lutte contre les meublés de tourisme illégaux. Ces dernières années, elle a intensifié ses contrôles pour s’assurer que les meublés de tourisme respectent bien ces règles d’autorisation préalable. La ville de Paris est en effet extrêmement préoccupée par ce sujet et considère qu’il y a entre 20 000 et 30 000 meublés touristiques illégaux dans la capitale. Pour endiguer le phénomène, la mairie de Paris a décidé de mettre en place une équipe de 25 agents qui sont chargés d’effectuer des contrôles notamment dans les quartiers touristiques[11]. Ainsi, à la demande de la mairie de Paris, le 5 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la propriétaire de 4 meublés de tourisme à une amende de 35 000 euros et à la cessation de son activité dans un délai de 2 mois[12]. De même, en 2015, c’est 15 condamnations qui ont été prononcées représentant 150 000 euros d’amende[13]. Depuis le début de l’année 2017, c’est près de 300 000 euros amendes qui ont été prononcés par le Tribunal de Grande Instance de Paris. La ville de Paris estime, par ailleurs, à plus de 900 le nombre de logements qui ont fait l’objet d’une régularisation que ce soit par changement d’usage ou par retour à l’habitation[14].

  1. Les règles de compensation

Il faut savoir que cette autorisation de changement d’usage n’est délivrée au demandeur que sous condition. La mise en place d’un meublé de tourisme au sein d’une commune revient donc à supprimer une résidence principale du parc de logements, c’est pourquoi il est demandé aux loueurs en question de compenser cette perte[15].

Concrètement, chaque mètre carré de logement transformé en meublé touristique doit être contrebalancé par la transformation d’autant de mètre carré de commerce en habitation. Pour certains arrondissements de la capitale se situant dans le centre et l’ouest, cette règle de compensation est doublée rendant encore plus difficile le changement d’usage[16]. Autrement dit, vous devez être en mesure d’acheter une surface deux fois plus grande que celle pour laquelle vous souhaitez obtenir le changement d’usage et ceci dans le même secteur arrondissement. « Par exemple, si vous transformez un studio de 25 m² en meublé touristique, vous devez proposer une surface d’habitation nouvelle de 50 m² à l’appui de votre demande de changement d’usage »[17] .

Le propriétaire dispose de deux possibilités afin de respecter cette condition de compensation. Premièrement, il peut proposer de transformer en logements des locaux non habitables qu’il possède. Deuxièmement, il peut acheter à un tiers qui détient des locaux un titre de compensation afin de transformer par la suite ces locaux en logements habitables[18]. Cette seconde possibilité peut néanmoins s’avérer onéreuse, en effet les prix de ces cessions de commercialité sont fixés librement. A Paris, il faut compter en moyenne 1500 euros par mètre carré, les prix pouvant fluctuer selon les secteurs. Obtenir ce changement d’usage est donc à la fois complexe et coûteux. Notons, toutefois, que cette règle de compensation ne s’applique pas aux loueurs qui proposent un bail de longue durée  (bail d’un an ou de neuf mois pour un étudiant).

  1. Numéro d’enregistrement

Comme nous avons pu le voir précédemment, la loi pour une République numérique permet désormais à certaines communes d’attribuer un numéro d’enregistrement à chaque logement ayant fait l’objet d’une déclaration préalable en mairie. Certaines communes ont donc désormais la possibilité de contraindre les loueurs de meublés faisant l’objet d’une location de courte durée qui utilisent des plateformes numériques à se déclarer au préalable en mairie. Récemment, le décret du 28 avril 2017 est venu apporter des précisions sur le contenu de cette déclaration[19].  La déclaration doit notamment mentionner l’identité du déclarant, son adresse postale et électronique, l’adresse du local meublé en question, son statut de résidence principale ou non, le nombre de pièces composant le meublé, le nombre de lits ainsi que des informations faisant référence à un éventuel classement du meublé[20]. Cette déclaration peut s’effectuer par l’intermédiaire d’un télé-service ou par tout autre moyen indiqué dans la délibération du conseil municipal qui a choisi de mettre en place cette obligation d’enregistrement.   

Une fois l’enregistrement opéré, un numéro est immédiatement délivré par la commune. Ce numéro composé de treize caractères comprend : « le code officiel géographique de la commune de localisation à cinq chiffres ; un identifiant unique à six chiffres, déterminé par la commune ; une clé de contrôle à deux caractères alphanumériques, déterminée par la commune »[21]. Ce numéro devra être visible dans toutes les offres de location pour de courtes durées d’un local meublé en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile[22]. Les plateformes de location en ligne comme Airbnb ou Homeway sont évidemment concernées, elles ont l’obligation de publier dans les offres de location ce numéro. Le but est de mieux contrôler la durée de mise en location du bien. En effet, l’intérêt de ce dispositif est de pouvoir vérifier que chaque loueur enregistré ne loue pas son appartement au-delà de la limite légal de 120 jours quand il s’agit de sa résidence principale. Il revient aux opérateurs en ligne de s’assurer du respect de cette limite de 120 jours et de bloquer l’offre des logements dépassant ce seuil.

Dans le cas où le logement constitue la résidence principale du loueur et que la location ou sous-location à des touristes n’excède pas 120 jours par an, cette nouvelle procédure se suffira à elle-même. Par contre, si le seuil de 120 jours par an est dépassé pour une résidence principale ou si le logement constitue la résidence secondaire du loueur alors la télédéclaration devra être accompagnée de la procédure de changement d’usage[23]. Qu’il s’agisse  d’une résidence principale loué à titre occasionnel ou ‘un logement loué à l’année en saisonnier, cet enregistrement sera donc obligatoire dans les communes souhaitant mettre en place cette procédure.

Très attendu, ce décret a été salué par les syndicats hôteliers notamment l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) et son syndicat associé, le Groupement National des Chaînes (GNC). En revanche, l’Union Nationale pour la Promotion de la Location de Vacances (UNPLV) qui regroupe notamment Airbnb et Homeway, les principaux acteurs visés à travers ce décret, considère pour sa part qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée. Elle met en avant l’effet dissuasif que pourrait avoir ce décret dans la mesure où certaines personnes seront tentées d’arrêter de mettre leur bien en location de courte durée ou alors de continuer cette activité en toute discrétion sans tenir compte de ces contrôles[24]. Airbnb, le principal acteur sur le marché français a également réagi. La startup californienne considère que cet enregistrement est une mesure qui manque d’efficacité et qui s’avère coûteuse. Par exemple, pour Paris la mairie devra ainsi enregistrer 65 000 logements, ce qui implique des ressources humaines supplémentaires qui ont un coût pour la collectivité. Cela implique également des formalités en ligne pour les particuliers, à terme c’est, selon la plateforme, toute la simplicité du système actuel qui sera perdue[25].  Notons qu’en amont de ce décret, Airbnb avait pris les devants en proposant, en décembre dernier, à la ville de Paris, de mettre en place un système de blocage automatique des personnes qui louent leur appartement plus de 120 nuits par an puis de transmettre à la ville les coordonnées des personnes souhaitant dépasser ce seuil, facilitant ainsi les contrôles. La ville n’a toutefois pas donné suite[26].

Notons que si les dispositions de ce décret sont en vigueur depuis le 1er mai, il revient à chaque commune concernée par le dispositif de le rendre pleinement applicable par une délibération du conseil municipal qui va dans ce sens. Dans ce cadre, les modalités pratiques pour effectuer les déclarations (soit en ligne, soit par correspondance) devront également prévues. Une telle délibération a été prise par la commune de Nice le 23 juin puis Paris le 4 juillet  ainsi que Bordeaux le 10 juillet. Certaines villes se montrent également favorables à cette procédure d’enregistrement, d’autres sont en réflexion tandis que certaines s’y opposent pour le moment.

A Paris, la ville française la plus touchée par le phénomène, un télé-service sera mis en place par la ville à compter du 1er octobre 2017 afin de permettre au loueur de s’enregistrer facilement. A partir du 1er décembre 2017, cette mesure deviendra obligatoire[27]. La ville souhaite d’ailleurs aller plus loin puisque le conseil de Paris a soumis une proposition au nouveau gouvernement afin que les communes puissent fixer elles-mêmes la durée maximale légale de ces mises en locations[28]. Par ailleurs, d’autres décrets devraient suivre afin de rendre pleinement effectives certaines dispositions de la loi du 7 octobre 2016 notamment en ce qui concerne les sanctions à appliquer en cas de non-respect de la durée de location maximale fixée à 120 jours par an[29].

Dans tous les cas, qu’il s’agisse de votre résidence principale ou d’une résidence secondaire, l’exploitation d’un meublé de tourisme implique de respecter certaines obligations fiscales et sociales notamment.

[1] Pour le classement des meublés de tourisme, voir l’article L324-1 du Code du Tourisme et les articles D324-2 et suivants du Code du Tourisme ainsi que l’arrêté du 2 août 2010 fixant les normes et la procédure de classement des meublés de tourisme

[2] Article D324-1-1 du Code du Tourisme

[3] Article R324-1-2 du Code du Tourisme

[4] Article L631-7 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation

[5] Article L631-7du Code de la Construction et de l’Habitation

[6] Article 232 du Code général des impôts

[7]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027399823&fastPos=1&fastReqId=810877424&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte

[8] Article L631-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation

[9]  Article L651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation

[10] Article L651-3 du Code de la Construction et de l’Habitation

[11] http://www.francetvinfo.fr/economie/immobilier/logements-vacants/immobilier-a-paris-nous-avons-perdu-20-000-logements-qui-ont-ete-transformes-en-meubles-touristiques_2069877.html

[12] TGI de Paris, ordonnance de référé, 5 avril 2012, n°12/51793

[13] http://www.leparticulier.fr/jcms/p1_1603086/meuble-touristique-paris-sans-pitie-contre-la-location-sauvage

[14] http://www.pap.fr/actualites/location-meublee-touristique-a-paris-teledeclaration-obligatoire/a19539

[15] Article L631-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation

[16] http://www.lesechos.fr/20/05/2016/LesEchos/22195-149-ECH_location-saisonniere—vos-droits-et-obligations.htm

[17] http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/04/locations-saisonnieres-que-dit-la-loi_5168615_4355770.html

[18]  https://www.toutsurmesfinances.com/immobilier/les-regles-de-la-location-meublee-de-courte-duree-type-airbnb.html

[19]  Décret no 2017-678 du 28 avril 2017 relatif à la déclaration prévue au II de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme et modifiant les articles D. 324-1 et D. 324-1-1 du même code

[20] Article D. 324-1-1 du Code du Tourisme

[21] Ibidem

[22] Article L324-1-1 et L324-2 du Code du Tourisme

[23] http://www.pap.fr/actualites/location-meublee-touristique-a-paris-teledeclaration-obligatoire/a19539

[24] http://www.lechotouristique.com/article/locations-entre-particuliers-un-enregistrement-en-mairie-qui-ne-passe-pas,90555

[25] https://www.challenges.fr/immobilier/airbnb-bouscule-par-l-enregistrement-obligatoire-des-hotes-par-les-mairies_485118

[26] http://www.lechotouristique.com/article/decret-airbnb-les-villes-peuvent-desormais-controler-les-loueurs,89342

[27] http://www.tourmag.com/Paris-un-tele-service-va-faciliter-la-procedure-d-enregistrement-pour-les-locations-de-meubles_a88146.html

[28] http://www.la-croix.com/Economie/France/logements-Airbnb-devront-senregistrer-aupres-Ville-Paris-2017-05-10-1200846076

[29] http://www.leparticulier.fr/jcms/p1_1654062/airbnb-l-enregistrement-du-logement-loue-en-mairie-devient-obligatoire

 

Retrouvez la partie 1 du dossier sur les meublés de tourisme ici :

Bien préparer sa location en meublé de tourisme (Partie 1)

Retrouvez la partie 3 du dossier sur les meublés de tourisme ici :

Bien préparer sa location en meublé de tourisme (Partie 3)