Cabinet d’expertise comptable : reprise, association ou création ex-nihilo ?

Si décider de se lancer à son compte est une sacrée étape, savoir quel mode d’installation choisir n’est pas non plus une mince affaire…

Selon son histoire, sa personnalité ou les opportunités qui se présentent le moment voulu, à chacun de trouver le mode qui lui convient et lui ressemble. Les membres du bureau du CJEC Paris IDF témoignent.

Reprise : une formule gagnant-gagnant

Vincent Molinié

Expert-comptable et commissaire aux comptes

Une fois mon DEC obtenu, j’avais pour projet de m’installer ex nihilo. L’appel d’un ancien associé du cabinet de mes débuts, installé depuis à son compte, a changé mes plans… Notre association s’est réalisée très rapidement, en négociant une cession différée dans le temps à mon profit.

Nous sommes vraiment satisfaits de notre choix pour les raisons suivantes :

  • Je bénéfice au quotidien de l’expérience d’un confrère expérimenté. La signature des premiers mandats de CAC est un moment exigeant. L’appui d’un aîné pour franchir cette étape m’a été très appréciable. Le contact quotidien avec un professionnel expérimenté m’a permis de gagner en sérénité.
  • Ce type d’association m’a permis d’entrer dans une structure comportant des dossiers avec une relation client déjà balisée. C’est à mon avis le point le plus important. J’ai ainsi pu exercer mon rôle d’associé en étant guidé et épaulé dans mes choix. Cela diminue à mon sens, le « stress » que peuvent connaitre les jeunes confrères qui s’installent ex nihilo. Cela m’a également permis de dégager du temps pour réfléchir avec mon associé sur la stratégie du cabinet. A ce titre, je peux témoigner du fait que cette formule d’association répond pleinement au concept de mentoring développé par le CJEC IDF.
  • J’ai été naturellement en charge de choisir et de mettre en place un ERP de traitement des mandats de CAC de notre jeune cabinet. Mon associé a apprécié cette démarche qui nous permet aujourd’hui d’avoir une approche d’audit structurée, à l’heure de nos premiers recrutements.
  • J’ai choisi également de développer l’expertise comptable, ce qui n’était pas dans le positionnement initial du cabinet. Ceci nous permet de nous diversifier petit à petit.

En somme, je suis convaincu que le rachat progressif des parts d’un professionnel expérimenté par un jeune professionnel présente beaucoup d’avantages pour les deux parties. J’encourage fortement les confrères souhaitant se retirer progressivement à contacter le CJEC IDF. Les jeunes confrères sont largement demandeurs pour dupliquer cette formule. Elle n’a que des avantages !

 Association : des points d’appui précieux pour bien démarrer

Jean-Christophe Forestier

Expert-comptable et commissaire aux comptes

Pourquoi s’associer et ne pas créer sa propre structure ?

Les motivations qui peuvent pousser un jeune expert-comptable à se diriger vers l’association sont multiples. Pour ma part, le choix de l’association m’a semblé un passage obligé, alors que je connaissais comme beaucoup de commissaires aux comptes débutants la difficulté d’obtenir un premier mandat. De plus, peut-être à cause de ma formation littéraire (je suis diplômé de Sciences Po Paris), je me sentais moins légitime qu’un confrère ayant connu un parcours traditionnel d’expert-comptable. Je ne me voyais pas m’installer seul chez moi et prendre mon package de VRP pour aller chercher des clients. La création ex nihilo qu’ont choisie certains confrères du bureau du CJEC Île-de-France me paraissait antinomique avec mon caractère et mon cursus.

De plus, souhaitant développer également une activité d’expertise comptable, il me fallait une structure solide pour palier mon expérience moindre dans ce domaine à mes débuts. La complémentarité avec les associés en poste, puis avec les nouveaux associés, a permis d’offrir la palette intégrale des services aux clients du cabinet que j’intégrais (consolidation, commissariat aux comptes, expertise, conseil, social, juridique).

Intégrer une structure déjà établie permet également de « prendre le train en marche » : les principales questions qui émergent lors de la création ex nihilo (choix du logiciel, achat ou leasing pour les copieurs, abonnements à la documentation…) ont pour partie déjà trouvé une réponse. Last but not least, le financement : les banquiers, qui pour la plupart ne connaissent pas les spécificités de notre activité, nous considèrent comme des artisans comme les autres et nous demandent des garanties qui paraissaient superflues au regard de nos activités. Là encore, l’expérience de notre cabinet, qui avait déjà fait appel à un partenaire financier dans le cadre d’une précédente transmission, a été un atout précieux.

Quels sont selon vous les facteurs clés du succès de l’intégration ?

Mon association, qui n’est vieille que de trois ans, se déroule correctement. C’est selon moi grâce au respect de certaines conditions. Tout d’abord, nous avons fait appel à un conseil en stratégie de cabinet, pour valider le fait que l’associé historique qui nous accompagnerait encore quelques années, l’associé nouvellement entré au capital et les deux futurs entrants dont je faisais partie, partageaient la même vision du métier. La clé de l’intégration des nouveaux a donc été de partager une vision de la profession et de la façon de l’exercer. Une réelle vision commune sur le long terme est essentielle, l’association doit être vécue comme un mariage, qui plus est dans mon cas, un mariage à quatre. Il fallait donc que le projet de cabinet soit communément partagé dans les moindres détails.

Intégration progressive ou intégration rapide : quelle formule choisir ?

Le schéma d’intégration était le suivant : j’ai été engagé dans un premier temps en tant que mémorialiste, pour mettre aux normes le pôle audit du cabinet tout en ayant bien sûr l’ambition de devenir associé. Mon entrée, concomitante avec un jeune diplômé qui devait quant à lui reprendre une partie du portefeuille, m’a motivé à finaliser le DEC rapidement, afin que notre entrée au capital se fasse dans les mêmes conditions et de manière synchrone.

La (re)définition de la stratégie du cabinet a permis de sécuriser cette intégration progressive, tant entre les futurs associés qu’avec les collaborateurs. Certains collaborateurs avec des années d’expérience peuvent en effet voir d’un mauvais œil l’arrivée de deux nouveaux associés plus jeunes, surtout quand l’un d’eux est le fils d’un associé historique.

Sur ce dernier point, l’intégration a été facilitée par mon expérience dans un cabinet international reconnu : cela m’a permis d’arriver en spécialiste du commissariat aux comptes afin de mettre en place les procédures adéquates pour que notre exercice professionnel soit « NEP Compliant ». Cette expertise a permis de désamorcer des tensions qui auraient pu avoir lieu avec les collaborateurs historiques et de passer dans la foulée un contrôle qualité.

Comment s’organise votre gouvernance aujourd’hui ?

Les trois associés historiques étant partis de manière progressive, la place aux jeunes associés s’est faite au fur et à mesure.

Un associé vaut une voix ; nous sommes donc représentés à égale mesure au sein du capital de la fiduciaire. La gouvernance à quatre est parfois délicate car si aucune majorité ne se dégage, il peut y avoir débat. Mais cela reste exceptionnel, car en cas de désaccord, nous suivons notre feuille de route.

Nous avons également rédigé une charte d’associés, qui permet à tout moment de résoudre les éventuels conflits naissants.

L’énergie développée […] est principalement puisée dans mon désir d’entreprendre

Cyril Degrilart

Expert-comptable

Comment est née la structure d’exercice professionnel ?

Avant de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale, j’ai passé quelques années dans un cabinet international, ce qui m’a permis de développer une riche expérience dans les domaines de l’expertise comptable, du commissariat aux comptes et du conseil en systèmes d’information.

Tout juste diplômé du DEC, j’ai pris le risque de quitter mon environnement de travail pour créer mon cabinet d’expertise comptable, ex nihilo, dans mon petit appartement parisien.

L’énergie développée pour créer ma propre structure d’exercice professionnel est principalement puisée dans mon désir d’entreprendre et ma volonté d’indépendance.

L’environnement familial et amical joue également un rôle majeur dans la réussite de la création. Le Club des Jeunes Experts-comptables et Commissaires aux Comptes, dont je suis aujourd’hui membre du bureau régional de Paris Île-de-France est aussi un allié précieux : la Bourse des compétences et les événements régionaux permettent des échanges entre jeunes confrères et de suivre des conférences de qualité.

Comment le cabinet s’est-il développé ?

Notre aventure a débuté dans les espaces de travail parisiens, où l’activité s’est développée petit à petit, week-end compris. Une des grandes difficultés de la création en exercice libéral est effectivement la peur de l’isolement. Le fait de travailler dans un lieu convivial apporte donc une belle énergie.

Dans un premier temps, je me suis concentré sur l’activité d’expertise comptable « traditionnelle ». En tant qu’expert-comptable nomade, il est essentiel d’avoir accès en quelques clics à mes dossiers comptables, au moyen d’une simple connexion internet. J’ai donc opté pour un logiciel comptable en mode SaaS, me permettant une connexion de partout, 24h/24, et 7 jours sur 7.

Quelques mois plus tard, ma contrainte principale a été la suivante : comment me libérer du temps pour continuer à développer mon cabinet ? Je dois beaucoup à mes chers confrères et amis, qui m’ont beaucoup aidé à gérer l’accroissement d’activité, avant l’embauche de mon premier salarié.

En parallèle, j’ai souhaité développer une activité de formation professionnelle et enseigne aujourd’hui en master 2 notamment, en Management des systèmes d’information, préparation au mémoire et commissariat aux comptes/contrôle interne. C’est un choix stratégique qui me permet de renforcer et de mettre à jour mes connaissances théoriques et de développer des partenariats.

Outre l’expertise comptable et la formation professionnelle, le troisième pilier du cabinet consiste aujourd’hui à réaliser des missions de conseil en systèmes d’information comptable. La diversification de l’offre dans ce domaine nécessite une expérience et une connaissance préalable du sujet. Au-delà de cette condition, le fait de recourir à l’automatisation des processus nécessite une solide connaissance technique comptable pour anticiper les éventuelles failles du système.

Quelle est la configuration actuelle du cabinet ?

Le cabinet compte aujourd’hui quatre collaborateurs. Dans le cadre de ma structure d’exercice professionnel, j’ai principalement opté pour l’embauche de collaborateurs confirmés et spécialistes dans des domaines d’intervention à forte valeur ajoutée : expertises fiscales, conseils en systèmes d’information comptable, contrôle interne et analyse des risques.

Le réseau professionnel, composé de confrères, de sociétés et d’entrepreneurs indépendants, joue également aujourd’hui un rôle majeur dans le développement du cabinet et des missions. Je développe effectivement en partenariat des activités complémentaires telles que l’assistance à la production de comptes consolidés, le commissariat aux comptes ou commissariat aux apports, le développement de sites internet et d’applications, le contrôle de gestion…

Pour conclure, après deux ans d’activité, le cabinet est aujourd’hui géographiquement installé sur Paris et en constante recherche de nouveaux collaborateurs et de nouvelles opportunités innovantes.

15 janvier 2016

Avec la participation de Cyril Degrilart, gérant du Cabinet DEGRILART

Cet article provient du numéro 90 du Francilien (septembre 2015, p26-28), la revue trimestrielle des experts-comptables région Paris Ile-de-France. 

Egalement disponible à l’adresse suivante :

https://www.compta-online.com/cabinet-expertise-comptable-reprise-association-ou-creation-ex-nihilo-ao1584