Site e-commerce : dispositions légales et leurs impacts sur la gestion

L’expert-comptable développe une relation de confiance auprès des e-commerçants en les conseillant au quotidien dans leur gestion. Ces clients du monde numérique sont par ailleurs confrontés à de nombreuses règles légales et réglementaires, et notamment l’obligation de mentions légales sur leur site internet, dont certaines ont des impacts directs sur la gestion quotidienne du site internet.

Quels sont les leviers d’accompagnement pour l’expert-comptable face à ces obligations ?

Etudions dans cet article quelques dispositions légales applicables aux e-commerçants, en commençant tout d’abord par l’impact d’un extrait d’un des textes fondateurs de l’environnement e-commerce, la Loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004.

1) La responsabilité de l’e-commerçant

L’article 15 de la LCEN précise les modalités suivantes, en lien avec la responsabilité de l’e-commerçant : « Toute personne physique ou morale exerçant l’activité définie au premier alinéa de l’article 14 [soit la vente par internet] est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. »

En d’autres termes, depuis 2004, les e-commerçants soumis aux mêmes droits et devoirs que les commerçants traditionnels.

En pratique, l’expert-comptable sensibilise son client sur le fait que l’e-commerçant doit respecter l’ensemble des règles de droit commun.
En conséquence et de manière générale, l’expert-comptable propose un accompagnement en gestion similaire à tous ses clients : états financiers et prévisionnels de trésorerie, tableaux de bord, outils de pilotage…

Les règles juridiques ont notamment pour objectif de sécuriser le parcours client des consommateurs. Dès le processus de commande, l’e-commerçant est soumis au principe du « double clic », prévu par les articles 1369-4 à 1369-6 du Code Civil.

2) Processus de commande

Le processus de commande en ligne s’établit en trois étapes distinctes

– Première étape – la saisie de la commande : le vendeur précise notamment les prochaines étapes à suivre et les moyens techniques permettant d’identifier les erreurs de saisie des données et les moyens de les corriger avant la conclusion finale

– Deuxième étape – la confirmation de la commande. Cette étape est réalisée dans le respect du principe du « double clic », soit un premier clic pour valider la commande, puis un second clic pour confirmer définitivement la commande après l’avoir vérifiée et, au besoin, corrigée.

– Troisième étape – l’archivage du contrat après la commande, d’une durée de 10 ans pour les contrats portant sur une somme égale ou supérieure à 120 €.

En pratique, l’expert-comptable évalue les conséquences de gestion sur la commande réalisée par voie électronique et s’interroge sur les moyens de sécurisation du chiffre d’affaires.
En effet, il est souvent difficile de distinguer en e-commerce la période de commande, la date de facturation et la date de règlement, celle-ci étant généralement la même.
Afin de sécuriser les flux de gestion en lien avec le chiffre d’affaires, l’expert-comptable utilise les données issues du site e-commerce (liées aux commandes), les données du facturier électronique (liées aux facturations) et les données issues des porte-monnaie électroniques (liées aux flux de trésorerie) pour cadrer les flux et sécuriser la valorisation finale du chiffre d’affaires dans les comptes de l’entité.

3) Mentions sur les tarifs et frais

Au sein de ses Conditions Générales de Vente, l’e-commerçant précise les modalités liées aux tarifications inscrites sur son site internet.

Il indique dans un premier temps si les prix sont mentionnés hors taxes ou TTC, en précisant que le taux de TVA appliqué est celui en vigueur au jour de la commande. Concernant la TVA, il notifie également que tout changement de taux sera répercuté sur les prix.

L’e-commerçant indique également quels sont les éléments constitutifs du prix mentionné sur le site, et notamment si le prix inclut les différents frais (commande, transport, livraison…). La loi Hamon apporte d’ailleurs une précision sur l’information au consommateur : ce dernier doit être informé, de manière lisible et compréhensible, du prix et, le cas échéant de tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d’affranchissement et tous les autres frais éventuels.

En pratique, l’expert-comptable rappelle en premier lieu une règle fondamentale : l’e-commerçant est responsable du taux de TVA qu’il applique sur ses factures. En conséquence, le professionnel rappelle le lien entre les CGV disponibles sur son site internet, le mode opératoire de définition de la TVA dans son système d’information et le résultat sur la facturation envoyée au client final.
L’expert-comptable bénéficie également d’une source intéressante de conseil au niveau de la fixation du prix. En effet, ce dernier est généralement constitué de deux paramètres : le prix vente du produit ou du service et les frais de port. La gestion des frais de port est bien souvent mal appréhendée par l’e-commerçant, qui ne fait pas toujours le lien entre sa politique de frais et sa marge nette.
De plus l’expert-comptable attire l’attention de l’e-commerçant sur le constat que la marge réalisée lors d’une vente e-commerce est inférieure à la marge réalisée pour une vente via un canal classique.

4) Focus sur les délais de paiement

Légalement, les délais de paiement peuvent être librement fixés par les parties. Il s’agit d’un levier intéressant pour l’e-commerçant, qui peut y trouver un moyen de négociation et de différenciation avec ses concurrents.

Cependant, une règle doit néanmoins être respectée : en l’absence de dispositions spécifiques, le prix devra être payé au 30e jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

En pratique, l’expert-comptable alerte le client sur les potentielles et probables écarts entre les délais de paiement juridiquement établis et la réalité sur le terrain.
Etudions deux situations possibles :
1. Dans le cas d’un règlement du client via un porte-monnaie électronique : l’e-commerçant dispose à la fois d’un porte-monnaie électronique et d’un compte bancaire ouvert dans un établissement de crédit. Tant que le transfert entre le porte-monnaie et le compte bancaire n’est pas effectif, la trésorerie ne peut être comptablement effective au sein de l’entité.
L’expert-comptable profite de cette situation pour sécuriser la gestion du porte-monnaie électronique et simplifier le processus de rapprochement des flux. Si l’e-commerçant a lui-même besoin d’un porte-monnaie électronique pour acheter des biens ou des prestations sur internet en lien avec son activité, l’expert-comptable conseille de créer un porte-monnaie distinct pour les ventes et pour les achats.
2. Dans le cadre d’un règlement par chèque : les décalages de trésorerie sont alors similaires à une activité traditionnelle. Le décalage temporel entre l’émission du chèque, la réception par l’e-commerçant et son dépôt en banque crée des décalages de paiement et de trésorerie en comptabilité.
L’expert-comptable sensibilise le client sur ces écarts de dates pouvant avoir un impact significatif sur la gestion de trésorerie du client.

5) Le délai de rétractation

La vente sous forme électronique étant assimilée à une vente à distance, il est reconnu au consommateur un droit de rétractation. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 a renforcé ce droit de rétractation et en a doublé la durée, portée de 7 à 14 jours. Le délai passe à 12 mois si le consommateur n’a pas été informé.

L’e-commerçant informe également lorsque ce droit ne peut être exercé, notamment pour les contrats :

  • « de fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l’exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;
  • de fourniture de biens ou de services dont le prix dépend de fluctuations sur le marché financier échappant au contrôle du professionnel et susceptibles de se produire pendant le délai de rétractation ;
  • de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;
  • de fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement »
En pratique, le délai de rétractation a un impact direct sur la comptabilité et la gestion quotidienne de l’e-commerçant : la trésorerie générée par la vente n’est donc pas assurée avant la fin du délai prévu par la loi.
En conséquence, l’expert-comptable propose un suivi régulier de la trésorerie en prenant en compte l’impact légal du délai de rétractation. Il est notamment intéressant de prévoir deux lignes séparées dans le tableau de suivi, une comportant les sommes encaissées avec le délai de rétractation est en cours, une avec les sommes encaissées de manière certaine.

6) Focus sur les rabais & ristournes et sur les bons cadeaux

Au sein de conditions générales de vente du site e-commerce, tous les rabais et ristournes doivent apparaître, soit dans le corps même des conditions générales de vente, soit en annexe aux barèmes de prix. La Cour de cassation (Cass. com 27/02/1990 n° 88-12.189) avait en effet estimé que l’obligation de communication n’était pas limitée aux seuls avantages octroyés de manière permanente. Elle s’étend notamment aux rabais et ristournes accordés à titre occasionnel.

En pratique, la gestion des rabais et ristourne fait également partie des points sensibles à étudier, au niveau de la marge et de la trésorerie. Il alerte à nouveau l’entrepreneur sur les conséquences directes de ces pratiques commerciales sur la gestion globale de l’entité, voire sur la continuité d’exploitation de celle-ci.
L’expert-comptable sensibilise également l’entrepreneur qu’à compter du 28 mai 2022, il devra afficher l’ancien prix de son produit ou de son service lorsqu’il offre un rabais (Ord. 2021-1734 du 22 décembre 2021).

L’expert-comptable sensibilise également le client sur la pratique des « bons cadeaux », soit les bons de réduction, chèques cadeaux, cartes de fidélité… En effet, l’e-commerçant peut tout à fait utiliser ces différents procédés pour octroyer des avantages aux clients les plus fidèles à son site internet.

En pratique, l’expert-comptable alerte l’e-commerçant sur le nécessaire suivi précis des flux liés aux bons cadeaux.
En effet, en conformité avec l’avis n° 2004-E du Comité d’urgence du CNC du 13 octobre 2004, les bons cadeaux ne peuvent être comptabilisés que s’ils sont rattachés à une vente initiale, et utilisables en cas de vente ultérieure. L’e-commerçant doit donc être en mesure de prouver dans son système de gestion que cet avantage client donne lieu à deux ventes.
Comptablement, à la clôture de l’exercice, il est possible de constater une provision attachée à la vente initiale (6815 à 1512), ce qui a pour conséquence directe une réduction du bénéfice de l’entité.
Dans le cadre des vérifications de la provision, l’expert-comptable contrôle que ces avantages sont bien liés à une vente initiale (et non à des e-mailings, des coupons insérés dans la presse…). Il évalue également la cohérence du pourcentage d’utilisation probable de ces bons cadeaux, par rapport aux années antérieurs et par rapport à la pratique.
Le suivi de gestion des bons cadeaux est donc un sujet sensible pour tous les e-commerçants qui ont recours à cette pratique commerciale, il fait parti des leviers de conseils organisationnels et fiscaux intéressants pour l’expert-comptable.

Les aspects juridiques liés au canal e-commerce sont en constante évolution et créent des zones de risques juridiques pour l’entrepreneur.

L’expert-comptable se positionne en tant que garant du respect des lois et exigences réglementaires de ses clients, tout en orientant et en personnalisant ses services d’accompagnement en gestion.

Paru dans la Revue Française de Comptabilité n°562 de Mars 2022 : http://revuefrancaisedecomptabilite.fr/les-dispositions-legales-et-leurs-impacts-sur-la-gestion/