Les cabinets d’expertise comptable ont aujourd’hui pris conscience de l’importance de la transformation numérique dans leur activité, il s’agit de la première étape d’une transition réussie.
L’étape suivante consiste à mettre en place un plan d’action à horizon 2023, avec des tests d’organisation, d’outils et de processus tout au long de cette période. Certaines mises en place seront adoptées facilement. D’autres nécessiteront du temps pour être appropriées par le client et les équipes. D’autres encore ne fonctionneront jamais, car non conforme à l’ADN de l’écosystème.
Quels sont donc les prochains enjeux et perspectives d’avenir digital pour les professionnels ?
Cet article propose quelques situations pratiques à mettre en place, pour aujourd’hui et à horizon 2023.
1. Un besoin de renforcer l’expérience client de nos cabinets
Le client vit aujourd’hui dans un monde où domine l’immédiateté des services et le parcours d’achat optimisé… et il attend de son cabinet d’expertise comptable une réponse similaire. Néanmoins, « immédiateté » ne signifie pas « répondre à toutes les questions à la minute où elles sont posées », mais proposer une solution digitale aux questions pouvant être automatisées et indiquer une échéance pour les questions les plus complexes. Le chatbot est l’une des réponses à cette attente.
Outil N°1 : le chatbot, ou agent conversationnel. L’expert-comptable peut, dans un premier temps, mettre en place un outil simple de chatbot sur son site internet et sur la messagerie privée de ses réseaux sociaux. Cet outil est à destination des prospects et des partenaires souhaitant contacter le professionnel par ce canal. Il évoluera nécessairement dans le temps, en proposant des réponses de plus en plus complexes aux questions récurrentes ou d’actualité qui pourraient être posées. |
Par ailleurs, le partage d’information entre le client et le cabinet d’expertise comptable contribue à enrichir l’expérience de ce dernier. Ce constat amène à repenser à la fois l’environnement physique lié à la relation client, de plus en plus orienté sur un travail collaboratif, mais également l’environnement digital, par la mise en place d’une plate-forme collaborative.
Outil N°2 : la plate-forme collaborative. L’expert-comptable met en place cet outil pour mieux organiser la notion d’espace-temps avec son client. A titre d’exemple, en dehors des horaires d’ouverture du cabinet d’expertise comptable, le client est tout à fait en mesure :
· de déposer ses documents, · de générer ses factures de ventes, · ou encore de consulter d’anciens bulletins de paies ou documents juridiques. Ainsi, la digitalisation de la relation client réduit considérablement de nombreux points de frustration du client, qui sera alors plus ouvert à prendre connaissance des nouvelles offres du cabinet. La plate-forme collaborative devient alors un premier point d’entrée pour la digitalisation totale de la collecte d’information. |
Par la mise en place d’une meilleure expérience client, sur internet, et donc en dehors des locaux du cabinet, l’expert-comptable renforce son image de professionnel dans l’air du temps et à la pointe de l’actualité. Il embarque ainsi avec lui ses collaborateurs en interne, puis ses clients en proposant de digitaliser leurs propres processus.
2. Un besoin de produire plus vite et de manière plus sécurisée
Les fournisseurs actuels de la profession mettent en œuvre de nouvelles solutions digitales pour un gain de temps dans la collecte des données et un traitement des données plus efficace. Côté cabinet d’expertise comptable, force est de constater qu’aucun « logiciel miracle » n’existe sur le marché, ce qui reste une bonne nouvelle en matière d’innovation permanente des éditeurs.
Ainsi, une culture du test des nouvelles offres est à mettre en place régulièrement au sein des structures d’exercice professionnel. Si l’application s’avère réellement utile pour un panel de client et/ou pour l’organisation interne, il est intéressant de le déployer sur l’ensemble des clients concernés.
De manière plus concrète, les outils de récupération automatique de données figurent en haut de la liste des solutions à mettre en place au plus vite.
Outil N°3 : les outils de récupération automatique des flux. Étudions, sur quelques cycles, quelques cas de récupération automatique pouvant être facilement réalisés en cabinet :
– Cycle TRÉSORERIE : le cabinet d’expertise comptable met en place un outil de collecte automatique des flux bancaires. A ce jour, cet outil est en mesure de collecter les flux de 100% des établissements bancaires. Une fois intégrés dans le progiciel d’expertise comptable, les flux sont automatiquement affectés à des comptes de tiers, en fonction du détail des libellés. Cette pratique, facile à mettre en place au cabinet, concourt à un gain de temps et à une réduction de l’effort pour les équipes internes. – Cycle SOCIAL : par l’utilisation des nouveaux outils, le cabinet met en place une interface liant directement les variables de paie du client, la production des bulletins de paie et des déclarations sociales, et l’intégration automatique des flux en comptabilité. – Cycle VENTES : le cabinet met en place une intégration automatique des flux du facturier du client, ou propose un facturier interne s’intégrant nativement dans le progiciel comptable. En conséquence de l’utilisation de cette solution, des gains significatifs de temps de saisie et une réduction des erreurs manuelles sont constatés. Si le progiciel d’expertise comptable ne permet pas de connecter directement le facturier, une intégration des données via Excel reste possible. – Cycle ACHATS : la solution la plus avancée actuellement est la récupération des justificatifs d’achats via la plate-forme collaborative. Ces documents sont collectés, soit par scrapping automatique via les sites fournisseurs, soit par intégration des documents PDF, soit par photographie des justificatifs via le smartphone du client. Plus spécifiquement dans le cadre d’activités e-commerce, les plates-formes de vente en ligne proposent parfois des restitutions sous forme de base de données, pouvant être intégrées dans les systèmes comptables. |
La loi de finances 2020 prévoit sur ces deux derniers cycles ci-dessus une évolution sans précédent pour les prochaines années : l’émission obligatoire de factures sous forme électronique pour les entreprises du privé.
Outil N°4 : la facture électronique, ou e-invoice. L’article 153 de la loi de finances 2020 précise les termes de mise en place de la facture électronique à horizon 2023. Toute personne physique ou morale étant assujettie à la TVA aura l’obligation d’émettre sa facture sous forme électronique et ses données devront être transmises à l‘administration.
Entre aujourd’hui et la date de mise en application, le cabinet assure le contrôle interne des factures émises sous format papier ou sous forme électronique non certifié pour en valider la piste d’audit fiable. |
La mise en place des outils de collecte sécurisés favorise le climat de confiance numérique du client envers son cabinet d’expertise comptable. Elle constitue le reflet d’une qualité de service et d’une structure en phase avec l’actualité.
L’expert-comptable est depuis toujours le professionnel en charge de la sécurisation de l’information financière. Dans ce contexte numérique, ce rôle est d’autant plus important car :
- La croissance exponentielle des flux a pour conséquence une multiplication des contrôles et des cadrages. On peut évoquer, à titre d’exemple, le cadrage entre les données issues des plateformes e-commerce et les opérations de ventes réalisées par les e-commerçants ;
- La collecte, le traitement et la conservation des données sont soumis à la réglementation du RGPD ;
- Les entrepreneurs sont davantage sensibilisés à la protection des données, ils s’interrogent donc de plus en plus sur la détention des informations de leur entreprise. Cette prise de conscience a pour bénéfice de créer de nouvelles interventions ponctuelles pour le cabinet, tels que des diagnostics RGPD sur les données financières.
3. Un besoin d’étudier de nouveaux marchés tout en restant positionné au cœur des flux financiers
L’ouverture sur de nouvelles opportunités de business est nécessairement synonyme de concurrence sur le marché, avec des prestataires de service non réglementés. Ainsi, le cabinet adopte une stratégie d’innovation permanente :
- Le cabinet planifie sa stratégie de développement et l’évolution de son business model : il réalise un état des lieux de son offre existante, de ses ressources existantes et de ses objectifs à horizon 3 ans ;
- Il teste régulièrement et avec agilité de nouveaux services auprès d’un panel de clients et de prospects ;
- Il évalue l’offre proposée en fonction de la satisfaction interne et externe, et en comparant les gains de productivité réels et attendus ;
- Il décide de déployer ou non l’offre proposée à l’ensemble des clients.
L’avantage concurrentiel immuable de notre déontologie autorise à penser que ces nouvelles activités sont en faveur de la profession du chiffre. Il est néanmoins important de jouer sur un pied d’égalité avec les concurrents, notamment en matière de technologie. S’impose alors l’utilisation d’un outil de gestion de la relation client.
Outil N°5 : les outils de gestion de la relation client, ou CRM. Ces outils mis en place dans le cabinet répondent à plusieurs besoins du cabinet en quête de nouveaux marchés, tels que :
· Le suivi précis des prospects, depuis leur captation jusqu’à la signature de la lettre de mission ; · La gestion de l’intégration du client au sein de la structure ; · Le suivi des échéances liées à la mission proposée ; · L’actualisation d’indicateurs pour la détection de nouveaux besoins pour les clients existants ; · La sécurisation des flux d’informations envoyés et reçus du client depuis plusieurs canaux : SMS, e-mailing, appels téléphoniques ; · La gestion de la communication des nouvelles offres, notamment à partir des réseaux sociaux, des newsletters… |
L’enjeu est d’identifier des offres utiles et cohérentes au rôle de l’expert-comptable. Parmi les nombreuses possibilités de missions pouvant être proposées par les confrères, retenons le développement des services de data visualisation.
En effet, l’expert-comptable est détenteur d’informations précises et intéressantes à analyser à destination de chacun de ses clients. Ces informations sont tout d’abord collectées via de nombreuses sources. Puis ces informations sont structurées, qualifiées et intégrées dans des bases de données. On en distingue alors deux formats cible : le Fichier des écritures comptables (FEC) et la Déclaration sociale nominative (DSN).
L’étape suivante consiste à proposer au client une restitution visuelle et interactive tout en mettant en valeur les informations précises et sécurisées par les obligations comptables.
Outil N°6 : les outils de visualisation de données, ou data visualisation tools. Le cabinet d’expertise comptable détient grâce au FEC et à la DSN une denrée inestimable : une information structurée et qualifiée. A partir de celle-ci, il est en mesure de proposer très régulièrement une restitution illustrée et fiable de la situation financière de l’entité. A titre d’exemple à partir du FEC, il est notamment possible de générer rapidement les visualisations suivantes :
· Evolution du chiffre d’affaires par typologie de ventes, via un graphique en courbe ; · Répartition des charges directes de la période, via un graphique en secteur (camembert) ; · Evolution mensuelle des rémunérations et charges sociales, via un histogramme empilé… |
L’expert-comptable dispose d’une durée de 3 ans pour tester les nouveaux marchés qui s’offrent à lui, en amont du déploiement de la facturation électronique visant à automatiser en quasi-totalité la tenue comptable.
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La profession du chiffre est actuellement à l’aube d’un nouveau bouleversement sans précédent dans son Histoire. Forte de ses très nombreuses mutations, elle est tout à fait en mesure de relever le nouveau défi des années 2020 : faire de la digitalisation totale de la comptabilité un enjeu majeur de modernité et des perspectives exceptionnelles pour servir toujours mieux les clients.
Paru dans la Revue Française de Comptabilité n°540 du mois de mars 2020 – http://