Ces experts-comptables qui briguent officiellement une spécialité

Nous avons interrogé trois experts-comptables engagés dans une démarche de reconnaissance de leurs compétences spécialisées auprès de l’Ordre. Vécu et motivations.

Ouverte le 23 juin dernier par l’Ordre des experts-comptables, une plateforme de reconnaissance de compétences spécialisées (*) donne la possibilité à ces professionnels de déposer une demande de spécialité. Pour ce faire, il faut montrer patte blanche et fournir des justificatifs concernant sa formation et/ou son expérience professionnelle dans le domaine concerné : diplôme, certificat ou qualification, ou encore la preuve d’une pratique dans la spécialité correspondant à au moins 10% de l’activité par an (**). Les experts-comptables engagés dans le process de reconnaissance de leurs compétences sont, de fait, très impliqués. “Cela fait 30 ans que j’ai succédé à un confrère déjà très engagé auprès des restaurateurs, et étant moi-même fils de commerçants, j’ai un intérêt naturel pour le secteur des cafés-hôtel-restaurants, auquel on peut ajouter les buralistes”, relate Eric Peynet, du cabinet La Fiduciaire Paris sud. Par conséquent, Eric Peynet a sollicité la spécialisation CHR. Même engouement venant de Cyril Degrilart, expert-comptable parisien, qui sollicite la spécialité «Accompagnement à l’international» et dont le dossier (comme pour tous nos interlocuteurs) est en cours d’instruction dans son conseil régional de l’Ordre : “Je travaille depuis plusieurs années pour des entreprises étrangères qui souhaitent implanter leur filiale en France. La spécialité est un moyen d’être identifié et de rassurer les clients potentiels”. Cyril Degrilart a par ailleurs co-fondé l’association des Jeunes experts-comptables européens ECA Young Team, qu’il préside.

Un avantage concurrentiel

Eric Hainaut, associé du groupe Emargence, œuvre pour sa part depuis plus de dix ans dans le domaine de la culture, du spectacle et des médias. “J’ai co-fondé le Club Thot il y a cinq ans, lequel réunit des professionnels du chiffre et du droit bien identifiés et reconnus sur le marché des métiers de la création, de la communication et de l’audiovisuel, indique t-il. Nous avons une quarantaine de membres et nous sommes aujourd’hui notamment référencés par le ministère de la Culture”. Par conséquent, Eric Hainaut a demandé la spécialité «Activités culturelles, créatives et artistiques» requalifiée en «Activités culturelles et créatives» pour laquelle il a convaincu six confrères de faire la même démarche. “Si nous sommes plusieurs à solliciter cette dénomination, cela a plus de poids”, estime t-il. Les motivations des hommes du chiffre, pourtant déjà reconnus dans leurs milieux de prédilection, sont variées. “Il y a dix ans, peu de cabinets comptables s’intéressaient au milieu artistique, se souvient Eric Hainaut. Aujourd’hui, ils sont bien plus nombreux car le secteur fait briller les yeux des jeunes. Or, on ne s’improvise pas spécialiste, il faut faire ses preuves. La reconnaissance de spécialité permet de faire le tri et apporte un avantage concurrentiel”. Eric Peynet confirme la nécessité de clarifier les compétences et rappelle la valeur des professionnels chevronnés : “Etre spécialiste, c’est déceler rapidement les erreurs et les aberrations dans un dossier, afin d’aider au mieux son client”. Et de citer ce qui fait la spécificité du secteur CHR, comme la paye, la rémunération au pourboire, les marges, etc.

Vecteur de communication

Autre motivation : le soutien à une initiative de l’Ordre jugée salutaire et la reconnaissance par la profession. “La spécialité est accordée à titre individuel à l’expert-comptable, rappelle Cyril Degrilart. Elle permettra de mieux identifier les compétences des confrères concernés”. Donc, de faciliter l’entraide voire la soustraitance de dossiers auprès des bons profils. Outre le développement du business, la reconnaissance peut aussi renforcer l’intérêt pour l’expert-comptable recruteur, si un candidat potentiel veut parfaire ses connaissances auprès d’un spécialiste. Tous attendent de la spécialisation plus de visibilité et un argument pour communiquer. Eric Hainaut déclare sans ambages : “Quand vous voyez certains cabinets s’afficher sur le Bon Coin, je trouve cela dégradant”. Autrement dit, la communication des experts-comptables doit être de qualité, ce en quoi l’estampille de l’Ordre peut les aider. Les professionnels interrogés, dès qu’ils auront le précieux sésame, entendent l’utiliser sur leurs supports habituels. Et l’Ordre vient de créer un annuaire des experts-comptables dans lequel figurent les spécialités officielles.

(*) https://meo.experts-comptables.org
(**) voir «Panorama des compétences spécialisées», guide du CSOEC de juin 2020.
Toutefois, selon la rédaction d’actuel-expert-comptable, ces exigences précises ne figurent dans aucun texte juridique. L’article 306 de l’arrêté du 17 avril 2020 portant agrément du règlement intérieur de l’ordre des experts-comptables indique «seulement» que “la compétence spécialisée est technique ou sectorielle ; elle repose sur la formation et/ou sur l’expérience professionnelle présentées et justifiées dans un dossier de demande de compétence spécialisée. Le dossier de demande de compétence spécialisée présente par tous les moyens les formations et l’expérience professionnelle du demandeur, y compris les compétences acquises dans un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen”.

https://www.actuel-expert-comptable.fr/content/ces-experts-comptables-qui-br-guent-officiellement-une-specialite