L’année 2014 marque une nouvelle étape concernant le contrôle fiscal des comptabilités informatisées des entreprises. Depuis la loi de finances rectificative de 2012, lors d’un contrôle fiscal, il est désormais obligatoire de présenter le fichier des écritures comptables (FEC) de l’entité au Service vérificateur de l’administration fiscale. Malgré l’entrée en vigueur progressive de ce nouveau procédé de contrôle, les interrogations sont nombreuses dans les directions financières des entités susceptibles d’être contrôlées. Comment l’expert-comptable doit-il informer et accompagner ses clients en amont du contrôle par le service vérificateur ? Comment se prépare-t-il pour assurer le bon déroulement d’un contrôle fiscal ?
1. Les conditions de mises en œuvre du contrôle fiscal
1.1 Le cadre législatif du contrôle fiscal
Les entreprises concernées
Conformément à l’article L. 13 du Livre des procédures fiscales, toute entité tenant une comptabilité informatisée, quel que soit le régime d’imposition applicable, quel que soit sa taille, est concernée par le nouveau dispositif, à l’exception des sociétés soumises aux bénéfices agricoles, celles-ci étant placées sous le régime forfaitaire.
Les périodes concernées
La loi de finances rectificative pour 2012 indique que la remise du FEC est obligatoire. En cas de retard de livraison du FEC à l’administration fiscale par le contribuable, la durée de contrôle est donc allongée.
Obligation du FEC sur les exercices clos à partir du 1er janvier 2013
Conformément à l’article 3 de l’arrêté du 29 juillet 2013, le respect des nouvelles normes de FEC est facultatif pour les exercices clos antérieurement au 1er janvier 2013. Dans le cas où le contribuable ne respecte pas les nouvelles normes de FEC sur les exercices antérieurs, il devra néanmoins respecter les conditions de définition des champs et d’encodage définis aux paragraphes I à V de l’article A. 47 A-1 du Livre des procédures fiscales.
Le type de fichier à fournir
Le fichier de restitution FEC doit respecter certaines conditions de fond et de forme, celui-ci étant à élaborer par l’entité ellemême, ou par l’expert-comptable, et mis à la disposition du vérificateur au moment du contrôle.
Il ne s’agit pas d’une présentation des comptes sous le format PDF ou tableur classique (excel notamment). Celui-ci doit en effet être établi selon un format spécifique, deux formes possibles, conformément au VI de l’article A. 47 A-1 du Livre des procédures fiscales :
• Fichiers à plat, à organisation séquentielle et structure zonée remplissant les critères suivants :
– les enregistrements sont séparés par le caractère de contrôle Retour chariot et/ ou Fin de ligne ;
– la longueur des enregistrements peut être fixe ou variable ;
– les zones sont obligatoirement séparées par une tabulation ou le caractère “ | “ ;
• Fichiers structurés, codés en XML, respectant la structure du fichier XSD dont les spécifications sont consultables sur internet sur le site public :
http:// www. impots. gouv. fr/, rubrique “Professionnels“.
Sur le fond, le FEC doit respecter les règles comptables applicables en France, notamment en matière d’enregistrement, conformément aux articles 420-1 à 420-6 du PCG. Plus précisément, le FEC contient, pour un exercice donné :
• toutes les informations comptables ;
• toutes les écritures de tous les journaux (notamment les écritures d’inventaire et de reprise de solde de l’exercice antérieur), numérotées et classées par ordre chronologique de validation, sans rupture ;
• toutes les données informatisées figurant dans chaque écriture
Sur la forme, le fichier doit respecter un format précis et comprendre un ensemble de champs définis par l’article A-47-A-1 du Livre des procédures fiscales. Le fichier est composé de 18 à 22 champs distincts, selon le régime fiscal de l’entité. Ces champs sont nécessairement présentés dans le FEC dans un ordre précis.
Le mode de transmission du support
Les entreprises qui disposent d’une comptabilité sur support informatique ont pour obligation de remettre le FEC au service vérificateur à la demande de ce dernier. A noter qu’aucune obligation n’a été formulée sur le support de restitution. Il est donc possible de remettre un fichier informatique sur CD-Rom, DVD-Rom non réinscriptible ou sur tout autre support de transmission de données qui permet de réaliser l’opération. Le support transmis doit être clôturé de façon à ne plus être en mesure de recevoir de données.
1.2 Le déroulement du contrôle fiscal
La date de remise du FEC
Le FEC doit en principe être remis au Service vérificateur au plus tard lors de sa deuxième intervention. La première intervention étant en effet une prise de contact entre l’entreprise et le service vérificateur. L’administration fiscale ne demande et analyse la comptabilité qu’à l’issue de la deuxième intervention sur place.
Les objectifs de l’administration fiscale
La possibilité de se voir remettre par l’entité au Service vérificateur une comptabilité dématérialisée démontre l’objectif de l’administration d’ouvrir la voie de la modernisation du contrôle fiscal, notamment par l’utilisation de l’outil informatique.
L’administration justifie cette demande complémentaire en invoquant un gain de temps et de coût considérables, permettant notamment de mieux cibler les contrôles. Elle invoque également le fait que la nouvelle procédure évite au service vérificateur de multiplier les demandes de documents comptables au cours du contrôle.
Les outils disponibles
L’administration fiscale a développé un logiciel d’analyse des comptabilités informatisées pour les PME PMI, nommé “Alto 2“. Ce logiciel comprend 3 modules :
• Contrôle, pour faire ressortir les anomalies et de les indiquer au contribuable ;
• Alimentation, pour vérifier que la forme est bonne ; • Restitution, pour faciliter les recherches du vérificateur sur les documents comptables (balance, grand livre, journal) analysés.
Le logiciel est utilisé par le service vérificateur pour analyser le FEC de l’entreprise. Il trie, calcule, classe, et réalise des contrôles de cohérence pour détecter les anomalies issues de la comptabilité. Le logiciel est donc un outil d’aide complémentaire pour le contribuable et l’expert-comptable, permettant de bien cibler le contrôle pour le service vérificateur.
L’administration fiscale a développé l’outil “Altoweb“ pour les grandes entreprises. Dans ce cas, l’entreprise transfère directement sa comptabilité dématérialisée sur le site dédié de la DVNI (Direction des Vérifications Nationales et Internationales). Le service vérificateur effectue ensuite les mêmes opérations qu’avec l’outil “Alto 2“.
2. Les enjeux liés au contrôle fiscal
2.1 Les risques liés au contrôle fiscal
Le contrôle fiscal des comptabilités informatisées peut faire recourir aux entreprises de nombreux risques. Ces risques peuvent être d’ordres financiers et/ou non financiers.
Les risques financiers
Le refus de communiquer les fichiers informatiques constitue aux yeux de l’administration fiscale une opposition au contrôle fiscal (qui peut faire l’objet d’une majoration de 100%). L’administration fiscale procédera de fait à une taxation d’office selon les dispositions de l’article L. 74 du Livre des procédures fiscales 2. Par ailleurs, le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l’article L. 47 A du Livre des procédures fiscales est passible d’une amende égale 1 500 €, selon les dispositions de l’article 1729 D modifié du Code Général des Impôts 3. Enfin, en cas de graves manquements, une amende de 0,5 % du CA HT (chiffre d’affaires hors taxes) par année vérifiée (sans que le total puisse être inférieur à 1 500 € par exercice vérifié) est applicable.
Le contribuable de bonne foi peut également se trouver dans une situation peu confortable, du fait de l’exigence du niveau de conformité des fichiers informatiques transmis à l’administration fiscale. Une comptabilité peut être rejetée si le support informatique a bien été envoyé par le contribuable, mais néanmoins non conforme sur le fond et la forme. Le vérificateur doit dans ce cas, effectuer une reconstitution de recettes du fait du rejet de la comptabilité qui en découle. L’expert-comptable et la direction de l’entité contrôlée doivent donc s’assurer au préalable de la conformité du fichier envoyé à l’administration fiscale quant aux normes de fond et de forme précédemment abordées.
Les risques non financiers
Outre l’aspect financier, il peut également exister des problèmes non financiers mais dont les conséquences peuvent être tout aussi lourdes. C’est le cas notamment de la confidentialité des données. En effet, le dirigeant de l’entité, quelle que soit sa taille, est en droit de s’interroger sur le traitement du fichier informatique effectué par le vérificateur à l’issue du contrôle. Même si ce fichier doit être détruit à l’issue du contrôle et que les conséquences pénales pour le vérificateur sont lourdes en cas de violation du secret fiscal 4, il nous semble important d’informer le dirigeant de cette destruction de fichier. Selon l’administration fiscale, le contribuable ne sera pas informé explicitement de la destruction du FEC : une destruction de fichier équivaut à une restitution au contribuable.
Par ailleurs, le dirigeant est également en droit de s’interroger sur le respect d’un principe essentiel en matière de vérification de comptabilité : celui du débat oral et contradictoire. La jurisprudence est d’ailleurs abondante en la matière. Le vérificateur ayant à disposition le FEC ne sera-t-il pas amené à se rendre moins souvent dans l’entreprise, surtout si le contrôle se déroule mal ? L’administration fiscale affirme le contraire en indiquant que le vérificateur maintiendra des points d’étape et sera amené à mieux préciser ses questions après analyse du FEC.
Enfin, il existe une autre difficulté qui tient au respect des règles comptables françaises du PCG : une entité tenant une comptabilité en monnaie étrangère, avec un plan comptable étranger, des normes étrangères (IFRS ou US GAAP par exemple) ou avec des libellés en langue étrangère, obligera l’entreprise à “transcoder“ cette comptabilité en français, et à s’assurer de sa conformité avec un FEC conforme au PCG. Cette opération se traduira nécessairement par des coûts supplémentaires pour l’entreprise.
2.2 Les moyens d’y faire face et de se préparer
Face à ces nombreux risques, l’entreprise doit se préparer dès maintenant afin d’y faire face au mieux et de les anticiper. Tout d’abord, il est indispensable de vérifier le format de restitution du FEC à mettre à disposition de l’administration fiscale. Chaque expert-comptable et chaque direction d’entité doit nécessairement contacter l’éditeur de son logiciel. Cet “audit de conformité“ est un préalable indispensable au transfert réussi du FEC.
Il est également possible pour le dirigeant et l’expert-comptable de se tourner vers la marque “NF logiciel comptabilité informatisée“, respectant les normes de certification et répondant aux besoins de l’entité en cas de contrôle. L’AFNOR (association française de normalisation) a chargé INFOCERT 5 du développement de la marque NF. Bien entendu, de nombreux logiciels actuellement sur le marché permettent de transmettre efficacement le FEC de l’entreprise et ne font pas forcément membre de ce label.
Enfin, il est impératif de vérifier que les FEC transférés correspondent à des écritures validées informatiquement, même si l’exercice n’est pas clôturé. La validation des écritures comptables est en effet impérative pour le dépôt des déclarations fiscales de l’entité auprès de l’administration fiscale.
Conclusion
Face à l’obligation pour l’entreprise de présenter au service vérificateur un FEC conforme aux normes imposées par l’administration fiscale, de nombreuses incertitudes demeurent.
L’Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières a créé un groupe de travail. Ce groupe a mis à disposition de la profession un guide des bonnes pratiques en matière de contrôle fiscal des comptabilités informatisées. La constitution de ce groupe de travail, accompagné par l’administration fiscale en cas de besoin, sera en mesure de répondre aux questions du professionnel du chiffre, afin de mieux assister son client et d’éviter quelques déconvenues.
Article publié dans la Revue Française de Comptabilité (Numéro 478, Juillet 2014, pages 2 à 4), co-écrit par Cyril Degrilart et Kada Meghraoui.
Article disponible dans son intégralité ici