Le canal e-commerce continue son développement rapide dans la situation économique et sanitaire actuelle. L’expert-comptable des e-commerçants se positionne ainsi au cœur de l’économie actuelle et en phase avec les évolutions numériques de ses clients.
Des spécificités et nouveaux points de vigilance sont à maîtriser, en partant du principe que l’e-commerce n’est pas un secteur d’activité. En effet, globalement tous les secteurs d’activité (vente de biens, prestation de services…) ont la possibilité de vendre sur internet. L’expert-comptable s’assure donc de maîtriser à la fois les spécificités du secteur d’activité de son client, en addition aux spécificités du canal de vente e-commerce. Les dix points de vigilance à connaître par l’expert-comptable sont répertoriés en trois catégories : les points inhérents au canal de vente sur internet, les points de vigilance comptables, et enfin les points en matière fiscale et juridique.
1) Points de vigilance inhérents au canal de vente sur internet
Parmi les points de vigilance inhérents au canal de vente sur internet, le premier point à contrôler est relatif à l’organisation du système d’information de l’entité.
Point de vigilance #1 : le système d’information
Le système d’information fait partie intégrante de l’organisation des sociétés e-commerce. Le site internet s’apparente au système de gestion interne du client. Ces informations de gestion, si elles sont bien qualifiées, constituent une source intéressante pour la mission de l’expert-comptable.
Lors de l’entretien de prise de connaissance, l’expert-comptable s’entretient avec le client sur la situation de son système d’information. Il y pose notamment les questions suivantes :
- Quelles sont les activités administratives et de gestion traitées automatiquement par le site internet ?
- L’interopérabilité est-il maîtrisé entre les systèmes de gestion et le système comptable ?
- Quel est le niveau de détail du cahier des charges en matière d’extractions comptables et financières ?
En pratique, l’expert-comptable identifie les points de vigilances liés au système d’information pour comprendre les processus informatiques et humain du client, puis valider s’il peut ou non utiliser en aval les données issues des systèmes du client. L’automatisation des activité administratives et de gestion du site e-commerce est essentielle pour la continuité d’exploitation de l’entité, celle-ci étant par nature en activité commerciale 24h/24. Parmi les activités à cibler, l’expert-comptable identifie par exemple la production automatisée des factures de vente, la réalisation d’un inventaire permanent, ou encore le rapprochement entre les bons de commande et les factures. L’interopérabilité des systèmes renforce également l’automatisation des tâches et limite les risques d’erreurs. Le cahier des charges est un document intéressant à collecter par l’expert-comptable au démarrage de son intervention. Il révèle au professionnel le niveau de qualité des extractions cibles utiles pour la comptabilité. |
En lien direct avec l’analyse des systèmes d’information, l’expert-comptable s’interroge également sur la sécurisation des données et des flux du site.
Point de vigilance #2 : la sécurisation des données et des flux
Les flux du site e-commerce entrent dans le champ des données à caractère sensibles. L’expert-comptable évalue la connaissance du client en matière de respect du RGPD. Il interroge également l’e-commerçant sur les éléments spécifiques au canal :
- Quel est le degré de sécurisation des données à caractère bancaire sauvegardées sur le site e-commerce ?
- Le client a-t-il souscrit à une assurance « data risks » ?
- Le client a-t-il conscience de sa potentielle perte de continuité d’exploitation en cas de défaillance du système ?
En pratique, l’expert-comptable sensibilise le dirigeant sur le lien direct entre la sécurité de son site e-commerce et sa continuité d’exploitation, tout en lui rappelant les risques fort de piratage, de virus ou de défaut de connexion en tant que TPE. En effet, lors de la défaillance du site internet, deux situations néfastes se cumulent : aucun client ne peut effectuer d’acte de vente et l’image du site est fortement dégradée. |
Au-delà des points de vigilance liés à la présence du site sur internet, l’expert-comptable distingue les spécificités de la vente en ligne et les spécificités sectorielles du client.
Point de vigilance #3 : prise en compte des spécificités du secteur d’activité dans le site e-commerce
De manière générale, toutes les règles de droit commun s’appliquent aux e-commerçants. Les règles spécifiques au secteur d’activité également.
L’expert-comptable évalue ses compétences sectorielles en matière comptable, fiscale, sociale et juridique, au même titre que n’importe quel autre client.
En pratique, il est important que l’expert-comptable rappelle les principes fondamentaux de droit commun et les spécificités sectorielles au client. Ces particularités s’ajoutent aux problématiques de gestion du canal e-commerce et sont à prendre en compte dans la structuration du site e-commerce. |
Le dernier point de vigilance du canal est relatif au choix des prestataires de service liés au site internet.
Point de vigilance #4 : le choix des outils et des prestataires
Si le client e-commerçant bénéficie des conseils de l’expert-comptable dès la phase de projet du site internet, ce dernier rappelle l’importance du choix des outils et des prestataires. L’expert-comptable interroge le client sur les questions clés suivantes :
- Le site internet actif est-il réalisé en interne ou par un prestataire de services ?
- Quel logiciel de conception du site est utilisé pour la création du site ?
- Quelles solutions sont utilisées pour réaliser les paiements en ligne ?
En pratique, le choix du prestataire a un impact sur le volume des ventes, et donc sur la valorisation du chiffre d’affaires prévisionnel et réel. Le choix des prestataires a également un impact lors de la valorisation du site internet, au moment de l’intégration dans l’entité ou pour une éventuelle cession à un tiers. |
Une fois l’évaluation des risques inhérents au canal e-commerce, l’expert-comptable étudie les points de vigilance en matière comptable.
2) Points de vigilance en matière comptable, fiscale et juridique
Les deux premiers outils de pilotage de l’e-commerçant en activité sont le prévisionnel de trésorerie et la valorisation du chiffre d’affaires.
Point de vigilance #5 : prévisionnel de trésorerie et chiffre d’affaires
L’expert-comptable alerte dès le démarrage de l’activité sur la nécessité de suivi régulier de ces deux indicateurs. Lors de l’élaboration de son Reporting, il évalue la qualité des informations transmises en se posant notamment les questions suivantes :
- Le prévisionnel de trésorerie prévoit-il l’éventuel impact de l’utilisation du délai de rétractation par les clients ?
- Le prévisionnel prévoit-il les éventuels décalages de trésorerie lié à l’utilisation des porte-monnaie électroniques ?
- Le prévisionnel de trésorerie prend-il bien en compte les effets de TVA à l’international et les spécificités de liquidation liées à l’e-commerce ?
- Le chiffre d’affaires est-il valorisé de manière fiable ? Quels sont les documents et justificatifs permettant de s’assurer de sa cohérence avec les systèmes de gestion ?
En pratique, l’expert-comptable s’appuie sur l’analyse de la qualité des flux réalisée précédemment pour valider la cohérence des flux comptables. Si l’expert-comptable accompagne le client dès la phase de projet du site internet, il conseille l’e-commerçant sur la nature des flux nécessaires à extraire régulièrement du site internet. Le professionnel peut également auditer la qualité de l’extraction en aval, en s’assurant de l’existence a minima des champs suivants : date du flux, libellé de l’opération, montants hors taxes, TVA et TTC, pays de provenance du client, nature du client (B to B ou B to C) et numéro de commande. Par ailleurs, l’analyse prévisionnelle de la trésorerie est un vecteur de conseil fort pour l’expert-comptable. Plus le prévisionnel est précis, plus l’analyse stratégique qui en découle sera intéressante. |
L’analyse de la cohérence du chiffre d’affaires constitue pour l’expert-comptable une première étape de la démarche de rapprochement entre les flux comptables et les flux de gestion.
Point de vigilance #6 : rapprochements comptabilité / gestion
L’expert-comptable alerte le client à ce stade sur la nécessaire cohérence entre la comptabilité et les informations présentes sur son site internet. En collaboration avec le client, il étudie les questions suivantes :
- Quels indicateurs comptables sont disponibles à la lecture sur le site e-commerce ?
- Ces indicateurs sont-ils en cohérence avec les informations comptables réalisées par le cabinet ? Si non, pour quelles raisons ?
- Le client dispose-t-il d’un CRM ? Si oui, quels indicateurs comptables sont disponibles ?
En pratique, les analyses de réciprocités sont à réaliser tout au long de la gestion comptable de l’entité, et non uniquement au moment de la clôture de l’exercice. Ainsi, l’expert-comptable propose au client une double qualification des données : il s’assure d’une part de la cohérence des informations comptables saisies, et des indicateurs produits à partir de la comptabilité. Il justifie d’autre part les éventuels écarts et incohérences des indicateurs présents sur le site internet, afin que le client puisse les utiliser pour piloter son entité au quotidien. |
Au cours de la vie du site internet, l’e-commerçant est également confronté aux évolutions fiscales liées à son canal de vente en ligne. Une fois encore, l’expert-comptable est au cœur de l’accompagnement du dirigeant sur ce point.
Point de vigilance #7 : suivi de l’actualité fiscale en matière de TVA
L’expert-comptable sensibilise tout d’abord son client sur le fait que l’actualité fiscale a un impact direct sur son organisation et sur la gestion de son système d’information. En effet, les données et les flux générés par l’activité doivent prendre en compte les évolutions fiscales et réglementaires, et en particulier au niveau de la TVA.
Les questions à se poser et/ou à poser au client sont les suivantes :
- Les ventes réalisées par le client entrent-elles dans le champ des règles spécifiques en matière de TVA (prestation de services en ligne, vente de biens B to C en ligne…) ?
- Si oui, le client a-t-il connaissance des nouvelles règles applicables en matière de TVA, et de ses évolutions majeures en juillet 2021 ?
- Le client (ou son prestataire informatique) a-t-il pris les dispositions nécessaires pour faire évoluer le site internet en lien avec ces évolutions ?
En pratique, l’expert-comptable adopte une réelle position de traducteur entre la pratique opérationnelle de vente en ligne et les règles fiscales très évolutives actuelles. En effet, le mode de fonctionnement du professionnel du chiffre évolue en fonction de l’organisation du client. Si ce dernier bénéficie d’une gestion des flux du site optimale et validée par l’audit préalable, l’expert-comptable évalue la correcte application fiscale des règles « par les données ». A titre d’exemple, la variable liée à la nature du client (B to B ou B to C) amène l’expert-comptable à vérifier si la règle est correctement appliquée. La variable du pays du client est également utile pour le calcul des seuils d’application. L’expert-comptable s’interroge d’ailleurs sur la manière dont est définie le pays du client (pays de livraison ou de facturation, adresse IP de l’appareil, localisation de la banque du client…). |
L’expert-comptable est également vigilant pour son client dans le cadre des évolutions légales et réglementaires liées au canal de vente en ligne.
Point de vigilance #8 : suivi de l’actualité juridique liée au e-commerce
Du point de vue juridique, l’expert-comptable vérifie la correcte application des règles d’un point de vue organisationnel et opérationnel. En découle les questions suivantes :
- Le client bénéficie-t-il des conseils d’un avocat pour assurer la qualité de ses contrats et conditions générales de vente ?
- Le client est-il sensible aux aspects liés à l’atteinte au nom de domaine, aux risques de contrefaçon, ou encore au respect des droits antérieurs ?
- Le client a-t-il conscience des répercussions pratiques liées aux contraintes règlementaires du canal e-commerce ?
En pratique, l’expert-comptable crée à nouveau le lien entre le quotidien de l’e-commerçant et l’application des dispositions légales. Prenons à titre d’exemple le délai de rétractation, fixé à 14 jours depuis la Loi Hamon. L’impact pour l’e-commerçant est la suivante : le chiffre d’affaires et la trésorerie liée à la vente n’est pas assurée tant que le délai de rétractation n’est pas échu. En conséquence, l’expert-comptable sensibilise le client sur les risques de continuité d’exploitation en lien avec cette règle, et notamment au démarrage de l’activité. |
L’expert-comptable dispose donc d’un rôle majeur de vigilance à destination de tous les e-commerçants, quel que soient leurs tailles et leurs secteurs d’activité. Son accompagnement se valorise dès le projet de création du site, notamment au moment de la rédaction du cahier des charges, et se poursuit tout au long de la vie de l’entrepreneur.