Accompagner le créateur e-commerçant : les risques à maîtriser par l’expert-comptable dès le démarrage de l’activité.
L’accompagnement de l’e-commerçant par l’expert-comptable démarre dès l’étape de conceptualisation du projet, car l’entrepreneur est soumis dès le départ à de nombreux questionnements en lien avec son canal de distribution : de quel système d’information se doter ? Quels sont les spécificités comptables et fiscales à maîtriser ? Quels sont les risques juridiques liés à la vente par internet ?
L’expert-comptable conseille le client créateur sur l’ensemble de ses problématiques et l’accompagne dans la maîtrise des risques liés à son développement en ligne. Après avoir identifié les risques spécifiques au canal, il évalue le niveau de risque en fonction du projet, puis il met en place une politique de réduction du risque.
Une analyse globale des risques inhérents au projet e-commerce dès la phase de réflexion du projet
L’accompagnement de l’expert-comptable est un atout considérable pour l’e-commerçant dès la phase de réflexion du projet : il évalue les risques globaux liés au projet de développement en ligne. Il mesure les risques génériques et organisationnels du projet au moment de l’élaboration du business plan et s’interroge sur le niveau de risque lié aux éléments suivants.
Une stratégie de développement du projet a-t-elle été menée par le client ?
L’expert-comptable évalue dans un premier temps les risques génériques liés à la structuration de l’équipe projet : en matière de compétences techniques et opérationnelles des entrepreneurs, mais également au niveau de stratégie de développement, de la potentielle évolutivité des spécifications du projet et de gestion financière prévisionnelle du projet.
Nativement interrogé sur le dernier élément de la stratégie de développement, il est intéressant, pour l’expert-comptable, de prendre connaissance de la structuration d’ensemble du projet, afin d’avoir une meilleure visibilité sur les objectifs concrets du client.
En pratique, au niveau de la gestion financière prévisionnelle, l’expert-comptable rencontre régulièrement un risque de surévaluation importante de la marge prévisionnelle liée aux ventes en ligne.
Afin de réduire ce risque à un niveau acceptable, l’expert-comptable sensibilise tout d’abord l’entrepreneur sur la notion de marge en e-commerce. En effet, si le taux de marge nette peut s’élever à environ 35 % dans le cadre d’une vente en boutique physique, il s’élève en moyenne à 30 % dans le cadre d’une vente via son propre site e-commerce, et peut chuter à 15-20 % dans le cadre de ventes via une plate-forme de marché.
L’expert-comptable accompagne ensuite l’entrepreneur dans l’évaluation prévisionnelle de sa marge, en prenant en compte notamment le coût du site en ligne et les commissions sur site de paiement sécurisé lors d’une vente via le propre site e-commerce. Il y intègre également les commissions sur les ventes pour celles via marketplace.
Le produit / Le service ont-t-il été correctement définis et adaptés à la logique e-commerce ?
L’e-commerce est un canal de vente, il ne constitue donc pas un secteur d’activité. L’expert-comptable évalue donc les risques liés au secteur (vente de biens, prestations de services, professions réglementées…) en les couplant aux risques liés à la vente sur internet.
Il étudie notamment l’adaptation de la réglementation sectorielle et des modes d’imposition spécifiques afin de s’assurer que l’entrepreneur respecte les exigences liées à son activité.
En pratique, l’expert-comptable sensibilise particulièrement les entrepreneurs e-commerçants au niveau des risques liés à leur gestion de trésorerie, et précisément au niveau des ventes de biens. Ce risque est lié notamment à l’effet du délai de rétractation de 14 jours à compter de la réception du produit, délai obligatoire depuis la loi Hamon.
Afin de réduire le risque à un niveau acceptable, l’expert-comptable rappelle à l’e-commerçant que la trésorerie générée par les ventes n’est certainement encaissée qu’après la fin du délai de rétractation. Lors du développement de l’activité, l’expert-comptable accompagne ensuite l’entrepreneur dans la correcte gestion de sa trésorerie, pour éviter la perte d’exploitation lors de nombreux retours produits.
L’expert-comptable adopte donc une démarche spécifique d’analyse du business model et du business plan de l’entrepreneur en évaluant les risques liés à la stratégie e-commerce du client.
Pour aller plus loin dans l’évaluation des risques, il est intéressant pour le professionnel de prendre connaissance de l’ensemble du cahier des charges du site internet, afin d’évaluer les risques liés au système d’information.
Une analyse des risques liés au système d’information e-commerce par l’analyse du cahier des charges
Lors de la phase de réflexion et de lancement de son projet, l’entrepreneur e-commerçant court régulièrement le risque de ne pas avoir identifié les outils de gestion lui permettant de piloter convenablement son projet. L’expert-comptable l’accompagne dans ses décisions en lui posant les questions suivantes.
Le système d’information prévu ou existant est-il en mesure fournir des flux de qualité pour le traitement de la comptabilité ?
Au-delà du risque lié au choix des prestataires (développeur web, plate-forme de marché, porte-monnaie électronique, prestataires et assurances en cybersécurité…), l’expert-comptable sensibilise l’entrepreneur sur la nécessité de collecter des flux fiables et exhaustifs à destination du logiciel de comptabilité. Ces flux provenant du système d’information du site ont un impact direct sur la valorisation du chiffre d’affaires et celle des stocks. Il existe donc un risque potentiel sur la cohérence et la vraisemblance des comptes.
En pratique, l’expert-comptable analyse la qualité des flux dès le démarrage du projet de l’entrepreneur e-commerçant en étudiant le cahier des charges technique du site internet. En collaboration avec le développeur, il définit les champs indispensables à intégrer dans la base de données.
Afin de réduire le risque de non-conformité des comptes, l’expert-comptable propose les champs lui permettant de tenir convenablement la comptabilité : date du flux, libellé de l’opération, montants hors taxes, TVA et TTC, pays de provenance du client et numéro de commande.
Au niveau de la qualité des flux de stocks, l’expert-comptable propose la mise en place d’un inventaire permanent, permettant une maîtrise totale des flux de produits entrants et sortants. En effet, pour assurer le fonctionnement du site internet dans le futur, l’e-commerçant doit automatiser au maximum la chaîne logistique globale de son activité : approvisionnement, gestion des commandes, facturation, livraison…
En complément du risque lié à la sécurisation de la comptabilité, l’expert-comptable sensibilise également sur ceux liés à la gestion globale de l’entité.
Le système d’information prévu ou existant est-il en mesure de piloter la gestion de l’activité ?
En premier lieu, la vente par internet nécessite la collecte de données personnelles de la part des clients pour assurer la bonne gestion des plates-formes de la chaîne logistique. Ainsi, l’expert-comptable sensibilise notamment l’entrepreneur sur les risques liés à l’application du RGPD.
En second lieu, l’expert-comptable rappelle qu’une bonne gestion des ventes par internet a un impact direct sur la qualité de l’information financière. La mise en place de rapprochements entre la comptabilité et la gestion est essentielle pour limiter le risque lié à la qualité de l’information.
En pratique, l’expert-comptable rencontre régulièrement des risques en matière de gestion des bons de réduction, des chèques cadeaux et des cartes de fidélité. En effet, ces éléments ont d’une part, une importance particulière dans la gestion d’un site e-commerce, et ils ont d’autre part, un impact direct sur l’information financière au niveau de l’estimation des provisions.
Par ailleurs, afin de réduire le risque lié à ces flux de gestion, l’expert-comptable propose une méthodologie de calcul de la provision en fonction d’un pourcentage d’utilisation possible des bons et chèques cadeaux. Le professionnel sensibilise également le client sur le fait que seuls les bons rattachés à une vente initiale entrent dans le champ d’application et donc dans le calcul de la provision.
L’expert-comptable évalue les risques liés au système d’information dans l’objectif d’améliorer la qualité de l’information comptable et financière. Cet objectif nécessite d’évaluer les risques liés à la correcte application des spécificités comptables, fiscales et juridiques du canal de vente en ligne.
Une évaluation des risques en matière comptable, juridique et fiscale
Une fois l’activité lancée, l’expert-comptable est le garant de la qualité de l’information financière de son client. En complément de s’assurer de la comptabilité qui est conforme aux exigences du secteur, le professionnel se préoccupe des risques liés aux règles du canal e-commerce qui sont également maîtrisés.
Les risques de non-conformité en matière comptable sont-ils identifiés et maîtrisés ?
Dès la création de l’entité, l’expert-comptable est régulièrement chargé du traitement de la comptabilité de l’entrepreneur.
Au niveau du chiffre d’affaires, il sécurise le traitement comptable du chiffre d’affaires par canal de vente : boutique physique, site e-commerce, plate-forme de marché… Il comptabilise également les ventes liées à l’activité, ainsi que les ventes accessoires : bandeaux publicitaires, cobranding…
Au niveau des dépenses, le principal risque en e-commerce s’identifie dans l’évaluation et la comptabilisation du site de vente en ligne.
En pratique, le premier risque comptable consiste à identifier si le site internet est une charge (site passif) ou une immobilisation (site actif). Ensuite, le second risque à maîtriser concerne la valorisation du site internet à immobiliser.
Afin de réduire ce risque, l’expert-comptable adopte les pratiques suivantes :
- si le site internet est réalisé par un prestataire de service, la valorisation du site est relative aux dépenses engagées lors de la phase de développement et de mise en production. Les dépenses relatives aux recherches préalables ne peuvent pas être intégrées à la valorisation du site internet ;
- si le site internet est conçu en interne, la valorisation de celui-ci nécessite une méthodologie de valorisation d’un actif immatériel. Il est estimé en fonction du marché, des spécificités et des tendances futures, et non en fonction du temps passé par l’entrepreneur.
Quid des risques en matière fiscale et juridique ?
L’e-commerce représente la fiscalité du XXIe siècle, avec notamment la redéfinition de la notion d’établissement stable et la fiabilisation des flux liés aux traitements internationaux. L’actualité juridique est également dense, avec la loi pour la confiance dans l’économie numérique, la loi Hamon, ou encore les impacts du Règlement Européen sur la protection des données.
En pratique, l’expert-comptable sensibilise le client e-commerçant sur les risques liés à la conformité fiscale et juridique en lien avec son activité en ligne, avec un accent particulier sur la gestion de la TVA. Les organismes européens, et en particulier l’OCDE, mènent effectivement une lutte contre les fuites de recettes fiscales et organisent la législation pour faire face aux ventes transnationales.
Afin de lutter contre ces risques, l’expert-comptable est vigilant aux nouveautés du canal e-commerce, et notamment dans le calcul de la TVA sur les prestations de service en ligne, sur la mise en pratique des guichets électroniques MOSS/OSS/IOSS, ou encore dans les nouvelles règles « quick fixes » prévues par la loi de finances 2020.
L’expert-comptable bénéficie d’un rôle essentiel à destination des entrepreneurs e-commerçants. Il l’accompagne tout d’abord dans la sécurisation globale et la gestion des risques de son projet, au niveau du business model et du business plan. Les systèmes d’information et la gestion des flux e-commerces constituent également un axe majeur de constitution et de réussite du projet. L’expert-comptable sécurise enfin la gestion comptable, fiscale et juridique, afin de réduire les risques de non-conformité.
Paru dans la Revue Française de Comptabilité n°547 du mois de Novembre 2020